Il a fallu le génie de Stravinsky pour transformer les chants de mariage traditionnels russes en une œuvre insolite et puissante. Martin Harriague s’y était préparé, il qui a chorégraphié sa propre version du Sacre du Printemps en 2022 pour le Malandain Ballet Biarritz, plébiscité à Paris (Théâtre National de Chaillot), à Lyon (Maison de la Danse) et tourne toujours en France et à l’étranger. C’est dans une autre forme de rite primitif que Les Noces l’emmènent.

Porté par l’étrangeté des chansons russes, ce mariage traditionnel semble faussement joyeux. Harriague l’a bien compris. Même s’il sait amuser le public en soulignant le côté un peu loufoque de ce microcosme, aucune insouciance n’apparaît dans ces célébrations forcées. On sent une tension dans sa chorégraphie, l’impression que tout peut arriver dans ce groupe réuni par circonstances. Derrière la photo de famille on voit poindre des rivalités, le poids des secrets, espoirs de séduction et querelles d’honneur. Stravinsky aurait souhaité que ses musiciens partagent la scène avec les danseurs. Harriague décide d’exaucer ce vœu à sa manière : il demande aux danseurs d’être, sinon les instruments, du moins les messagers de la partition musicale. Il propose un jeu de correspondance entre la structure musicale et la structure chorégraphique.

Chaque danseur a pu se l’approprier dans un véritable travail collaboratif. Le résultat est une richesse de gestes qui donnent à chaque invité du mariage une personnalité unique, au sein d’un ensemble dans lequel chant, orchestration et danse sont indissociables.